Origines et contextes de la pédagogie institutionnelle
Si l’approche pédagogique attachée au
nom de
Fernand Oury s’est constituée au croisement de
plusieurs
apports théoriques et pratiques (techniques Freinet,
psychanalyse, dynamique des groupes, …), on pourra retenir
qu’elle apparaît aussi sous l’influence
de quelques
histoires antérieures.
C’est Jean Oury, psychiatre et psychanalyste,
frère de
Fernand Oury et fondateur de la clinique psychiatrique de La Borde, qui
a proposé les termes de «pédagogie
institutionnelle» lors du congrès de Paris de
l’École Moderne, en 1958. Jean Oury est
lui-même une
figure essentielle de la psychothérapie institutionnelle,
cette
approche psychiatrique basée sur la théorie
freudienne et
la prise en compte de l’importance du milieu de vie des
malades
qui a débuté bien avant La Borde et dont le
fondateur est
le Docteur François Tosquelles (1912-1994), psychiatre
catalan,
ancien responsable des services de santé mentale de
l’armée républicaine espagnole durant
la guerre
civile. À la sortie du camp de concentration
français
où l’avait conduit son statut de
réfugié
après la chute de la République espagnole,
François Tosquelles rejoint en 1940
l’hôpital de
Saint-Alban où il va poursuivre sa pratique psychiatrique
innovante, fondée sur la notion de
«continuité de
soins» et donnant toute son importance à
l’équipe soignante par la prise en compte du
concept
psychanalytique de «relation
transférentielle».[1]
Durant le temps de la Résistance et au moment où
les
internés des hôpitaux psychiatriques de
l’État de Vichy meurent de faim,
l’hôpital de
Saint-Alban devient le lieu d’une élaboration
à
laquelle participeront quelques grands noms de la psychiatrie
française, comme Lucien Bonnafé, Jean
Ayme, Roger
Gentis, Hélène Chaigneau ou Jean Oury.
C’est un
vœu célèbre de Freud,
formulé au
congrès de Budapest en 1918, qui semble là se
réaliser : «Alors seront
édifiés des établissements ou
des instituts de consultation auxquels seraient affectés des
médecins formés à la psychanalyse afin
de rendre,
par l’analyse, capables de résistance et
d’activité les hommes qui, sans cela,
s’adonneraient
à la boisson, les femmes qui menacent de
s’effondrer sous
le poids des renonciations, les enfants qui n’ont le choix
qu’entre la sauvagerie et la névrose.»[2]
L’articulation entre la pédagogie institutionnelle
et la
découverte de Freud sera donc constante, faite à
la fois
de mises en relations théoriques et du compagnonnage entre
pédagogues et psychiatres «institutionnalistes
»[3].
Fernand Oury est né en 1920 à la
Garenne-Colombes,
cité de banlieue de Nanterre, dans un milieu ouvrier
où
l’école représentait un réel
moyen de
promotion sociale. En 1939, Fernand Oury est instituteur
remplaçant et il prépare
l’entrée à
l’École Normale Supérieure de Saint
Cloud, mais le
déclenchement de la Seconde Guerre mondiale vient mettre un
terme à ce projet. Dénoncé pour
possession de
tracts, Fernand Oury est emprisonné quelques mois en 1943.
Des
complicités résistantes dans
l’administration lui
permettent d’être libéré et
d’éviter la déportation, mais il
restera fortement
marqué par cette expérience de
l’incarcération. Ayant perdu son poste
à la suite de son arrestation, il devient ouvrier
jusqu’à la fin de la guerre et ne redevient
instituteur qu'à la Libération.
À cette époque, il connaît
déjà les
travaux d’Anton Makarenko, éducateur
d’enfants et
d’adolescents abandonnés et délinquants
[4].
C’est aussi le moment où il rencontre Fernand
Deligny [5].
Celui-ci, rapidement passé par le métier
d’instituteur après s’être
dérobé à un avenir
programmé
d’officier, travaille depuis les années de
l’Occupation avec des adolescents délinquants,
expertisés inéducables pour un certain nombre et
souvent
renvoyés des maisons d’éducation
surveillée
les plus dures. Fernand Oury commence donc par
rencontrer des pédagogues qui ont
pris en charge les enfants les plus en difficultés, ceux qui
sont en proie à la plus grande violence sociale. Et si sa
classe
de Nanterre n’accueille pas exactement les mêmes
«crapules» que celles décrites par
Deligny, il
s’y
joue pourtant quelques conflits autour du maintien de l’ordre
scolaire. Depuis ses premières expériences de
1939,
Fernand Oury sait que si l’alternative doit se
résumer au
«c’est eux ou toi»
énoncé par un
collègue de sa première école, il
préfère faire régner la discipline
plutôt
que le désordre. Mais cette situation ne lui convient pas.
Dans
ce milieu qu’il décrira plus tard comme celui de
«l’école-caserne», il refuse
d’être un
«gardien d’enfant». «Garder, faire aligner,
faire taire : c’était contraire à mon
éthique personnelle.»[6]
Insatisfait, à la recherche d’une autre pratique
qui
serait en accord avec les valeurs qui sont les siennes, Fernand Oury
prend contact avec Célestin Freinet en 1949. Il
découvre
à la fois les techniques Freinet et l’homme
lui-même, avec la philosophie qui est la sienne. Cela fait
déjà vingt-cinq ans que Freinet a
élaboré
puis mis en place les techniques qui portent son nom: journal
scolaire, sortie-enquête, imprimerie, correspondance,
organisation coopérative de la classe, etc.
L’ensemble
articulé de ces pratiques modifie radicalement les
conditions de
vie scolaire, pour les élèves comme pour le
maître.
Fernand Oury définit la classe Freinet comme un lieu de vie,
un
milieu riche d’occasions. Mais Freinet a construit son
travail au
cœur de la ruralité et Oury est un instituteur des
villes.
Il comprend tout de suite qu’une transposition est
nécessaire même si elle n’est pas facile
à
opérer.
Cette transposition, Fernand Oury ne va pas la conduire seul.
À
l’intérieur du «mouvement
Freinet», le
travail se fait au sein de groupes d’instituteurs,
coopérateurs pédagogiques qui se donnent pour
projets la
mise en place des techniques dans la classe et la réflexion
sur
leurs effets. Dans les années cinquante, Fernand Oury
travaille
donc avec des collègues dont les classes, souvent
spécialisées, se situent dans de grands centres
urbains.
C’est par cette collaboration que s’effectue une
part de la
nécessaire transposition des techniques Freinet.
En 1955, est fondé l’Institut Parisien de
l’École Moderne (IPEM), conséquence du
travail
réalisé par les instituteurs travaillant avec
Fernand
Oury, Raymond Fonvieille et quelques autres. Mais les productions de ce
groupe n’emportent pas l’adhésion de
nombreux
acteurs du mouvement, à commencer par Célestin
Freinet
lui-même. À l’issue d’une
sévère
polémique autour des apports nouveaux proposés
par
Fernand Oury et notamment de ce qui concerne la théorie
psychanalytique, l’Institut Parisien de
l’École
Moderne est dissous en 1961. C’est alors la fondation du
Groupe
des Techniques Éducatives (G.T.E.) qui poursuit le travail
engagé, publie la revue Éducation
et Techniques et
organise des stages de formation. Du G.T.E. initial naîtront
d’abord un puis plusieurs autres groupes au milieu des
années soixante: les Groupes
d’Éducation
Thérapeutique (G.E.T.). Le premier G.E.T. (mais le sigle
signifie alors Groupe d’Étude
Théorique) se
constitue en 1963, autour du projet de recherche «Que se
passe-t-il dans la classe?» et de la rencontre entre Fernand
Oury et Aïda Vasquez, jeune
vénézuélienne
diplômée de psychologie et de
pédagogie, qui vient
terminer ses études en France. Elle aussi est une
insatisfaite.
Elle ne trouve pas son bonheur professionnel dans
l’apprentissage
des différentes batteries de tests ou la
présentation
magistrale de cas pathologiques. Ce qu’elle
découvre par
son passage dans la classe de perfectionnement de Fernand Oury lui
ouvre de nouvelles perspectives. Ensemble, l’instituteur et
la
psychologue vont essayer de décrire ce qui, dans une classe
de
type Freinet, fait évoluer favorablement des
élèves sur lesquels pesait souvent un sombre
diagnostic
psychologique. Mais l’un et l’autre savent
qu’à rester seuls, ils risquent de se fourvoyer.
Le projet
des G.E.T. sera donc de travailler entre praticiens à
l’élaboration d’une praxis tissant le
travail
quotidien avec les théories auxquelles on se
réfère.
Après la classe de Nanterre, Fernand Oury travaille dans un
I.M.P. dont son frère Jean est le médecin de
référence. C’est dans cet institut que
sera
créé par Fernand Oury le système des
«ceintures» (repérage des
compétences et des
capacités de comportement dans le groupe) et que sera
complexifiée l’institution du Conseil
(réunion de
gestion et de régulation du groupe et de ses productions).
C’est aussi le temps d’un travail analytique
personnel pour
Fernand Oury, conduit sous la direction de Jacques Lacan.
À ces conflits «internes» se sont
toujours
juxtaposés des affrontements récurrents avec
l’institution Éducation nationale. En 1972,
paraissait
Chronique de
l’école-caserne, écrit en
collaboration avec Jacques Pain, aujourd’hui professeur de
Sciences de l’Éducation à Paris
X-Nanterre [7].
Par la
description minutieuse des conditions réelles
d’existence
dans les classes, cet ouvrage était une virulente critique
d’aspects de la vie scolaire
généralement
passés sous silence. Une telle approche
n’était
évidemment pas de nature à faciliter les
relations de son
auteur avec sa hiérarchie et les représentants de
celle-ci… Mais ce sont peut-être
les
conditions même
d’élaboration du discours des tenants de la
pédagogie institutionnelle qui sont source de relations
difficiles avec ce qu’on serait tenté de qualifier
«d’institué» au sens de C.
Castoriadis: lieux
de
formation professionnelle des maîtres, secteur
universitaire,… En effet, Fernand Oury a toujours
insisté
sur le fait
qu’il parlait en tant qu’instituteur, autrement dit
d’un lieu d’où,
généralement,
ça ne parle pas [8]. Et, d’autre
part, s’il
était bien conscient du fait que les pédagogues
ne
peuvent bâtir un savoir en se passant d’apports
issus
d’autres approches, il a toujours insisté sur
l’indispensable maintien d’un lien organique avec
la
pratique de la classe et la prise en compte de sa complexité
(d'où le fameux «Ne rien dire
que nous n'ayons fait.»).
La métaphore du trépied :
Matérialisme, Groupe, Inconscient
Avant de présenter les trois axes du
«trépied
» sur lequel repose la pédagogie institutionnelle,
selon
l’image que Fernand Oury a toujours employée,
rappelons
que le terme «Institutionnel » n’est pas
à
prendre ici dans le sens
«d’établi» mais
dans une perspective dynamique. Comme l’énonce
Jean Oury,
il s’agit de «l’institution
de systèmes de
médiation dans lesquels les personnes ne sont plus
simplement
face à face, mais parlant de quelque chose qui existe et
œuvrant sur quelque chose qui existe en dehors
d’eux et
dont ils sont responsables.»
Premier axe: celui que Fernand Oury nommait «Matérialisme».
Ce terme peut être entendu dans sa
dimension de référence au marxisme de la
dixième
thèse sur Feuerbach[9],
c’est-à-dire un
matérialisme pratique qui exprime la
réalité
naturelle et sociale à partir de la considération
des
rapports sociaux et de leurs déterminations
matérielles.
Mais, dans la classe de Fernand Oury, le matérialisme a une
voie
privilégiée d’existence: les techniques
Freinet.
Le travail scolaire est organisé à partir
d’un
ensemble d’activités de productions et
d’échanges: l’imprimerie et les moyens
de
production d’écrits, la correspondance, les
échanges, les enquêtes, le journal scolaire, le
texte
libre, les fichiers auto-correctifs, la bibliothèque de
classe,
etc. Reprenant les propos de Freinet, Oury affirmait
«qu’à partir de ces techniques
fondamentales, on apprend
à lire, écrire, compter… pas aussi
bien
qu’ailleurs, mieux.» Sur le plan didactique, Oury
ne se
différencie guère de Freinet. Les mêmes
outils
organisent le travail et, sous les variations sémantiques
(école du peuple, école populaire, …),
les valeurs
communes sont bien là. Nous restons inscrits dans le cadre
de
l’école républicaine où
perdure le projet de
développer dans les couches populaires une meilleure emprise
pratique et intellectuelle sur le monde. Fernand Oury apporte pourtant
une certaine évolution aux techniques Freinet ou
plutôt
une certaine inflexion. Lorsqu’il crée le
système
des «ceintures», en référence
au judo, un
art martial qu’il pratique lui-même, Oury
complexifie la
classe Freinet et articule plus finement l’axe
matérialiste avec les deux autres branches du
trépied. Il
s’agit d’abord de se tenir au plus près
de
l’hétérogénéité
de la classe
et de fournir à chaque élève la
possibilité
d’un repérage efficace de ses
compétences et des
progressions possibles. Mais ce codage permet aussi un dialogue avec
d’autres institutions de la classe: si tel
élève
exerce tel rôle à tel moment, ce n’est
pas dû
au seul bon vouloir du maître mais à la relation
entre des
compétences en partie au moins objectivables et un pouvoir
ou
une place disponibles.
Ce qui conduit au deuxième axe du trépied: le Groupe.
Les premières références
données par
Fernand Oury à ce sujet s’originent à
nouveau dans
le fracas de la guerre: ce sont les travaux du psychanalyste anglais
Wilfred Ruprecht Bion (1897-1979) qui fut un novateur dans le domaine
de la psychothérapie de groupe et dans
l’élaboration de techniques de groupe à
orientation
psychanalytique au moment de la Seconde Guerre mondiale[10].
Pour rendre
compte d’une classe coopérative
institutionnalisée,
il conviendrait d’ailleurs peut-être
d’employer le
terme de «groupes» au pluriel. En effet,
plutôt
qu’une opposition entre relation duelle et relation avec le
groupe-classe, la classe institutionnelle favorise
l’existence
d’une diversité de sous-groupes, de
durées
inégales et constitués sur différentes
bases
(projet de production, groupes d’entraide, équipes
administratives, etc.). Influencé par
l’expérience
menée en psychothérapie institutionnelle
à travers
les «clubs thérapeutiques» [11],
Fernand Oury
insistait sur la nécessité de faire des groupes
dans la
classe un lieu d’accueil des relations
médiatisées
et donc d’y assurer la protection des personnes, tout en
veillant
constamment à éviter qu’ils ne se
sclérosent
en une institution figée. On retrouve alors
l’articulation
avec les «ceintures», institution qui permet
d’intervenir sur l’évolution des prises
de
responsabilités au sein des groupes et qui clarifie les
attentes
et les contraintes auxquels chacun est soumis (le niveau
d’exigence n’est pas le même pour un chef
d’équipe et pour un apprenti par exemple, le
pouvoir
qu’il exerce sur la conduite du travail commun
n’est pas le
même non plus). On ne peut évoquer cet axe sans
mentionner
une institution maîtresse de la classe P.I.: le Conseil.
C’est cette institution qui oriente la classe, non plus
à
partir de rapports à deux mais au travers de relations
médiatisées par une instance tierce. Fernand Oury
a dit
du Conseil qu’il est à la fois «l’œil, le
cerveau, le rein et le cœur du groupe». Plus
récemment,
et même si ses ouvrages sont peu cités dans les
textes de
Fernand Oury, c’est probablement le travail du psychanalyste
Didier Anzieu qui a constitué l’apport le plus
important
en ce qui concerne la dimension groupale de la classe institutionnelle [12].
Troisième axe indispensable de la P.I.: l’Inconscient.
Très tôt dans les propos et les écrits
de Fernand
Oury apparaît un terme essentiel: le
«désir». Il l’emploie
à propos de ce qu’il a
ressenti dès ses premières visites dans les
classes
Freinet : «Cet
ensemble fomente du désir». Il le
reprend pour affirmer «Quand
on a résolu la question du
désir, la question des méthodes n’est
pas
très importante.»[13].
Si le terme est éminemment
polysémique, Fernand Oury l’emploie dans un sens
bien
précis qui ne se confond pas avec le besoin,
l’envie ou la
demande. Plutôt que la formulation freudienne classique de
l’accomplissement d’un souhait ou d’un
vœu
(Wunsch)
inconscient, il faut entendre ici la conceptualisation
lacanienne qui fait de la notion de désir un
appétit qui
tend à se satisfaire dans l’absolu,
c’est-à-dire en dehors de toute
réalisation
d’un souhait[14].
Selon cette conception, le désir (traduit
alors par Begierde)
porte sur un fantasme, c’est-à-dire
sur un autre imaginaire. Mais le travail de Fernand Oury
n’était pas de nature
épistémologique. La
conceptualisation de la découverte freudienne
appliquée
à la classe institutionnelle ou aux groupes
thérapeutiques est toujours en cours
d’élaboration.
Fernand Oury et ses successeurs n’ont eu de cesse de
répéter que l’instituteur
n’était pas
thérapeute mais qu’avant de
rééduquer, on
pouvait penser à éduquer. La prise en compte de
l’existence de l’Inconscient et de ses productions
amène simplement à une transformation radicale de
l’organisation de la classe en ce qu’elle conduit
à
des pratiques visant à tirer les conséquences
d’une
telle position. C’est dans ce contexte que peut se comprendre
l’articulation des différentes institutions, en
premier
lieu la monnaie intérieure, les lois de la classe ou le
«Quoi de neuf?». Mais, en
réalité,
c'est l’ensemble de la classe dans sa complexité
qui est
concerné, ce que Fernand Oury nommait
«l’atomium», puisqu’il
n’est pas possible
de définir a
priori ce que tel ou tel élève
choisira comme objet
d’investissement ou support transférentiel.
Après Fernand Oury, héritage et succession
Fernand Oury est mort en 1998, en ayant travaillé
jusqu’au
bout avec ceux qu’il considérait comme ses pairs,
des
instituteurs engagés dans la création toujours
renouvelée de classes institutionnelles. De son
œuvre, il
demeure quelques traces «officielles»: des mentions
dans
certains ouvrages signalant des figures marquantes de la
pédagogie, des reconnaissances plus ou moins prestigieuses,
articles de l’Encyclopædia Universalis ou citation
par
l’UNESCO comme un des dix pédagogues du XXe
siècle.
Et si, comme pour Freinet, il peut sembler qu’une partie des
propositions concrètes qu’il a avancées
sont
reprises dans les lieux de formation des maîtres, il faudrait
examiner les choses de près pour savoir si des pratiques
parfois
nommées «Quoi de neuf?» ou
«Conseil» sont effectivement en relation avec les
apports de la
pédagogie institutionnelle ou s’il
s’agit seulement
d’une vague ressemblance lexicale.
Demeurent les écrits, tentatives de description de
la classe institutionnelle et traces des recherches menées
pour
sa compréhension. Avec, au centre de la démarche
d’écriture de Fernand Oury, l’attention
portée à la rédaction de monographies,
ce
processus pour lui essentiel au maintien de la pertinence et de la
validité d’une vraie recherche
pédagogique. Dans
Vers une
pédagogie institutionnelle?, il
écrivait
à propos de ce travail d’écriture:
«Il
s’agissait d’abord de choisir un objet commun
d’activité, un objet signifiant, qui [...] puisse
servir
de médiation: un enfant qui est là,
présent-absent imaginaire, peut fort bien jouer ce double
rôle. [...] Il naît ainsi un lien qui facilite les
échanges, un lien où un autre mode de parole
apparaît ; à travers sa monographie chacun parle
“par du vrai”, il est à la fois
entendant et
entendu.»
En 1978, des responsables du mouvement Freinet, venant du
comité directeur de l'ICEM ou de la présidence
de la Coopérative de l’Enseignement Laïc,
ont
fondé un module de travail intitulé
«Genèse
de la Coopérative»[15].
Très vite, ce petit groupe
invite Fernand Oury et Catherine Pochet à participer
à
leurs travaux. À la même époque
était
fondée l’association «Maintenant la
Pédagogie Institutionnelle» (M.P.I.) par le
Collectif des
Équipes de Pédagogie Institutionnelle (C.E.P.I.)
animé par des compagnons de Fernand Oury. En 1992, deux
associations distinctes, issues de «Genèse de la
Coopérative», se sont constituées:
«L’Association Vers la Pédagogie
Institutionnelle»
et «Pratiques de la Coopérative». Ces
différents réseaux travaillent, selon les
situations
locales, à l’intérieur ou
à l’extérieur
du mouvement Freinet, dans des groupes appelés souvent
«champignons» ou «chantiers».
Centrés
sur la
conduite de la classe institutionnalisée, ils organisent des
rencontres, des stages de formation et poursuivent la publication de
monographies. En mars 2004, à l’initiative de
psychiatres
et de pédagogues, ont eu lieu à Lille les
rencontres
«Psychothérapie et Pédagogie
institutionnelles» qui ont permis à des praticiens
de ces
deux courants de
se retrouver autour des expériences menées dans
les
écoles ou les hôpitaux où demeure
l’ambition
d’articuler éducation ou thérapie avec
processus
d’humanisation.
Patrick Geffard
Photo de Fernand Oury par
Jean-Louis Maudrin, stage de St Aignan, 1986.
Ci-dessous, les mots en gras et en couleurs renvoient à des liens.
[2]
Sigmund FREUD. Œuvres
complètes. Psychanalyse.
Paris: Presses universitaires de France, XV, p. 97-108.
[3]
Pour les termes renvoyant aux institutions dans la classe, voir sur ce
site le «Petit lexique de P.I.».
[4]Quinze
pédagogues.
Leur influence aujourd’hui. Sous la direction de
Jean HOUSSAYE. Paris: Armand Colin, 1994. Anton MAKARENKO. Poème
pédagogique. Moscou: éditions du
Progrès, 1967, 3 vol.
[5]Fernand DELIGNY. Graine
de crapule:
conseils aux éducateurs qui voudraient la cultiver.
Suivi de Les
vagabonds efficaces et autres textes. Paris:
éditions Dunod,
2004.
[6]
CD d’entretiens de Fernand et
Jean OURY avec Michel AMRAM et Danielle SIVADON en
supplément
à la revue Institutions.
Fernand OURY, «Institutions: de
quoi parlons-nous?» et «Pédagogie
institutionnelle et psychiatrie», Institutions, 2004,
n°34,
p. 11-13 et 27-36.
[7]
Fernand OURY, Jacques PAIN. Chronique
de l’école caserne. Vigneux:
éditions Matrice, 2001.
[8]
René LAFFITTE, «Les
sarcasmes de Fernand Oury. Un héritage
d’instituteur» in Essais de pédagogie institutionnelle, Lecques: Champ social, 2006, p. 419-429 (Texte
d’une intervention lors de la «Journée
Fernand Oury» à l’INRP, Paris, 15 avril
2000).
[9]
Friedrich ENGELS. Ludwig
Feuerbach et
la fin de la philosophie classique allemande. Paris:
éditions
La Dispute, Paris, 1980.
[10]
W.R. BION. Recherches
sur les petits groupes. Paris: éditions P.U.F.,
1965.
[11]Jean OURY, «Les clubs
thérapeutique », in Psychiatrie et
psychothérapie
institutionnelle. Lecques: éditions du Champ
social, 2001, p.
61-98.
[12]
Didier ANZIEU. Le
Groupe et l’Inconscient. L’imaginaire groupal.
Paris: éditions Dunod, 1984.