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L'AUTEURE DU
TEXTE
Sylvie GEFFARD-AYMÉ a
exercé durant 15 ans en tant qu'infirmière de secteur
psychiatrique. Elle est aujourd'hui enseignante à l'Institut
de Formation en Soins Infirmiers de Niort.
Formée en danse-thérapie par l'expression primitive
à l'Atelier du Geste Rythmé France Schott-Billmann et
à l'Université Paris V, elle anime des ateliers au sein
de l'association Prim'A Corps. Membre fondatrice de l'Association
Européenne des Praticiens d'Expression Primitive FSB.
CAROLINE ENTRE DANS LA
DANSE
Cette monographie est extraite de
Moment d'ailleurs, ou une
expérience d'animation en danse primitive dans un
hôpital de jour pour adultes, mémoire rédigé dans le cadre de
la formation en danse-thérapie.
Situation familiale
En 2000, Caroline a une quarantaine
d'années.
Elle est la plus jeune d'une fratrie de trois enfants. Elle voit peu
ses frères aînés.
Ses parents se marient alors qu'ils attendent leur premier
enfant.
Après une carrière militaire, son père reprend
l'entreprise familiale mais fera faillite.
Sa mère décide d'élever Caroline plutôt
que de travailler avec son mari, elle reprendra son travail lorsque
sa fille aura 6 ans.
Son père présente un syndrome de Gélineau
(attaque de sommeil) depuis l'âge de 25 ans.
Caroline décrit sa mère comme omniprésente, qui
fait tout à la maison, et tout à sa place. Elle la vit
comme rejetante, élaborant à sa place des projets "pour
la mettre dehors", projets qui échouent les uns après
les autres.
Caroline est décrite par sa mère comme une enfant qui
fut solitaire, repliée sur elle-même, docile et
silencieuse. Aimant les animaux, sa seule occupation était la
lecture, occupation qui lui prenait la majeure partie de son temps,
ce qui convenait très bien à ses parents.
Caroline a 15 ans lorsqu'elle déménage avec sa famille,
c'est le moment où elle va quitter la chambre de ses
parents.
À 20 ans, elle fait une fugue d'une dizaine de jours, ses
parents iront la chercher et paieront tous les frais qui furent
élevés.
Situation professionnelle
Après un Bac littéraire, Caroline
entame une formation universitaire durant environ 1 an et demi.
Elle exerce ensuite différents petits boulots, sa
dernière tentative professionnelle sera un brevet de
secrétariat durant 4 mois.
Sur le plan psychiatrique
Caroline fait un premier épisode
délirant en 1987 et, après une fugue, elle
connaîtra sa première hospitalisation en psychiatrie
dans une grande ville, pour une durée de 5 mois.
Plusieurs courtes hospitalisations, de 1 à 5 mois, vont se
succéder sur deux années. Elle subit une IVG
après la dernière d'entre elles.
Dans les années 95 elle peut vivre 2 ans dans un studio, mais
revient finalement chez ses parents, très délirante,
elle refuse tout contact ainsi que les visites à domicile
proposées par l'hôpital.
Une tentative de suicide médicamenteuse avec absorption
d'alcool sans gravité va conduire à une hospitalisation
de 4 mois, à la suite de laquelle Caroline sera accueillie
dans un hôpital de jour. Il n'y aura alors plus
d'hospitalisation complète.
Le diagnostic médical posé est celui d'une
psychose dissociative
schizophrénique.
Caroline présente alors des propos discordants, d'humeur
triste et une ambivalence marquée.
Elle suit un traitement neuroleptique et anti-dépresseur. Elle
vit sa présence à l'hôpital de jour comme une
obligation de la part de son médecin.
À son arrivée, elle n'essaie pas vraiment
d'établir de relation avec les autres patients, elle se montre
même rejetante, voire agressive verbalement.
Elle se présente comme une jeune fille "sérieuse",
mince : 1 m 65 pour environ 50 kg, avec peu d'expression du visage,
elle utilise un vocabulaire riche, elle est vécue par les
autres comme une "intellectuelle".
Elle donne une "bonne" image d'elle-même, les étudiantes
infirmières ne la repèrent pas d'emblée comme
une patiente.
Elle participe à divers ateliers mais sans un réel
investissement, et elle est vue régulièrement en
entretiens psychothérapiques.
Il lui faut quelques mois pour aller mieux, prendre conscience de ses
difficultés et de son agressivité.
Elle apprécie alors de venir dans le service, mais ne peut
vivre ailleurs que chez ses parents même si elle vit cette
situation comme insatisfaisante.
Sa relation avec sa mère est décrite comme basée
sur la souffrance. Être malade est le moyen pour Caroline
d'obtenir l'attention maternelle.
(Quelle rivalité avec le père, lui aussi malade ?)
Elle participe à l'atelier à
partir de Mars 97, sans grand enthousiasme, elle répond
"docilement" à notre proposition.
Elle y participera durant 2 ans et demi (jusqu'à fin 99) avec
une grande régularité, elle ne sera absente que 2
fois.
Dès les premières séances, il apparaît que
Caroline n'a pas de difficultés à prendre le rythme
qu'elle marque régulièrement avec les pieds. Elle a une
bonne écoute, ce qui lui permet de répéter
facilement les rythmes différents proposés.
Par contre ce qui est très net, c'est sa difficulté
dans les échanges avec autrui. À aucun moment nous ne
pouvons croiser son regard.
Lors de la salutation, lorsque chaque participant se croise, Caroline tourne
autour du groupe, à plusieurs pas de celui-ci, ce qui
m'évoque l'image d'un satellite tournant autour d'une
planète. Elle répétera cela sur plusieurs
séances. De même, elle aura pendant quelques semaines de
nombreuses plaintes somatiques, ce qui la contraint de
s'arrêter avant la fin de la séance.
Elle choisit donc de s'asseoir dans un coin de la salle, soit en
faisant une pause de quelques minutes, soit en attendant la fin de la
séance.
Cela dure à peu près jusqu'en novembre 97 et c'est petit
à petit que Caroline va modifier cette façon
d'être dans le groupe, sans même sembler s'en rendre
compte.
Lorsque, de temps en temps, nous avons essayé de lui renvoyer
des éléments de son comportement, Caroline ne semblait
pas pouvoir l'entendre, annulant immédiatement ce que nous lui
pointions. Particulièrement quand c'était un changement
positif. Nous l'avons donc laissée aller à son rythme
et surtout laissée libre de verbaliser elle-même au fur
et à mesure qu'elle vivait des changements.
En avril 97 elle nous dit avoir particulièrement aimé
un moment de la séance qui lui a fait penser aux Indiens,
qu'elle a apprécié se "rapprocher d'eux". Caroline
admire en effet le peuple indien, qu'elle idéalise. Un des
éléments de son délire à
été, un moment donné, les États-Unis et
plus précisément le nord de l'Amérique.
Que symboliquement elle puisse "jouer" aux Indiens, peut-être
même se sentir indien(ne), a sûrement été
important pour elle. Cela lui a permis en tout cas de vivre un moment
de sérénité, qu'elle dit ressentir en fin de
séance.
Cela m'a permis également d'expliquer d'où
étaient issus les mouvements que je proposais et de parler de
la danse à travers les différentes cultures.
Mai 97,
elle dit qu'elle pense que les séances peuvent lui apporter
des choses dans la vie, elle se sent plus calme, tranquille.
Elle se sent à l'aise avec le rythme. L'art-thérapie voit justement dans le rythme ce
lieu où se rencontrent la pensée et la pulsion trop
souvent séparées, creuset où s'unissent le
rationnel et l'irrationnel : un moyen d'expression
privilégié impliquant le sujet dans sa totalité
psychique et corporelle.
Art-thérapie et
rythme dans L'ART-THÉRAPIE pratiques, techniques et
concepts, Dr Jean RODRIGUEZ et Geoffrey
TROLL, Éditions Élébore
Elle participe à cette période au jeu de l'écho
(ou jeu du miroir) dont le dispositif est le suivant :
Face au groupe, la personne qui mène le jeu (je commence
toujours pour ensuite laisser la place à un membre du groupe,
patient ou soignant) propose un mouvement, ou une séquence
gestuelle accompagnée de la voix puis elle s'immobilise. Le
groupe doit alors reproduire le plus fidèlement possible geste
+ voix. L'animateur(trice) enchaîne avec un nouveau mouvement
et ainsi de suite.
Il est important de rester face au groupe et d'alterner des moments
brefs et des séquences plus longues. Le groupe devant
être vigilant à ne pas "empiéter" sur la
proposition de l'animateur(trice) et de bien respecter
l'alternance.
Ce jeu demande de la part de celui qui anime de pouvoir faire face au
groupe, donc d'être sous son regard, de se laisser aller dans
la spontanéité, donc de risquer de se surprendre
lui-même, de recevoir son propre geste multiplié par
autant de participants ce qui peut parfois être surprenant, de
s'immobiliser dans une posture, donc de s'autonomiser par rapport au
groupe.
C'est, là aussi, une façon symbolique de reprendre les
premiers échanges entre la mère et l'enfant avant
l'apparition du langage.
Ce jeu est un moyen intéressant pour permettre au patient de
s'autoriser à jouer.
Comme le précise WINNICOTT dans Jeu et réalité :
La psychothérapie se situe en ce
lieu où 2 aires de jeu se chevauchent, celle du patient et
celle du thérapeute. En psychothérapie, à qui
a-t-on affaire ? À 2 personnes en train de jouer ensemble. Le
corollaire sera donc là où le jeu n'est pas possible,
le travail du thérapeute vise à amener le patient d'un
état où il n'est pas capable de jouer à un
état où il est capable de le faire.
Ici ce n'est pas uniquement symbolique, on va bien être dans
l'action de jouer.
Au début les patients peuvent simplement rester dans le
groupe, sans prendre la position d'animateur, mais cela permet
déjà de leur proposer des mouvements qui les
étonnent, les amusent parfois, les emmènent là
où ils n'ont pas l'habitude de se risquer. Très vite
vient le moment où ils ont envie de passer face au groupe
même s'il faut décoder la demande parfois implicite.
Lorsque Caroline mène le jeu pour la première fois,
elle est dans une attitude de séduction, avec beaucoup de
mouvements de hanches, d'ondulations... sa voix est douce,
agréable. Par contre à aucun moment elle ne parvient
à se figer dans une posture. Elle est sans cesse en mouvement,
se maintenant dans une relation fusionnelle permanente avec le
groupe.
Pour Caroline le travail à faire est de trouver sa "bonne"
place, ni dans le rejet, trop éloignée, ni dans la
fusion, trop proche.
Il faudra du temps pour qu'elle ne soit plus dans ce mouvement
"collé-éloigné".
Après l'interruption de juillet-août, nous constatons
à la reprise de septembre
97 que de nouveau nous ne croisons plus
son regard, qu'elle est plutôt repliée sur elle
même.
Novembre 97 : elle se sent bien, avec un sentiment de paix, mieux
dans son rapport aux autres. Elle est moins critique et semble
davantage profiter de l'hôpital de jour.
Janvier 98 : Caroline
exprime combien elle apprécie cet atelier qui, situé le
lundi matin, lui permet "d'entamer sa semaine" dit-elle, de passer du
week-end, à l'extérieur de l'hôpital, à la
semaine à l'intérieur de l'hôpital.
J'y vois là la même idée de "sas" que lors de la
présentation
rythmée et je pense que
l'atelier dans son ensemble à cette même fonction pour
Caroline, d'un moment de passage entre dehors et dedans.
Cela peut-il également témoigner de ce qui se passe
pour elle, au niveau de son corps et de son psychisme, entre
extérieur et intérieur ?
En tout cas nous notons qu'elle ne nous renvoie plus la même
image d'un corps anorexique comme nous l'avions noté au
début de sa présence dans le groupe. Elle semble
s'envelopper un peu, prendre de très légères
rondeurs, et de ce fait être également mieux
acceptée par le groupe.
Sa présentation vestimentaire au début accentuait
beaucoup son corps maigre et là aussi il y a eu un changement.
Ses relations aux autres s'adoucissent... aussi.
Elle garde cependant un sentiment de dévalorisation
d'elle-même.
Elle anime de nouveau le jeu de l'écho, où elle se
montre dans une grande liberté, inventive par rapport à
la voix, ses mouvements se précisent nettement, elle peut
marquer les arrêts.
Le groupe va alors pouvoir lui renvoyer une image gratifiante, il
fonctionne tel un miroir dans le sens où WINNICOTT l'entend
dans le chapitre IX de Jeu et
réalité, où il
pose la question : Que voit le
bébé quand il tourne son regard vers le visage de sa
mère ? Généralement, ce qu'il voit, c'est
lui-même... La mère regarde le bébé et ce
que son visage exprime est en relation directe avec ce qu'elle
voit.
Février 98 : Lors de l'arrivée d'une nouvelle patiente dans
le groupe, Caroline relève que l'on a fait des choses simples
mais qu'elle y a pris plaisir : "on peut toujours s'étonner".
Ce qui montre à quel point elle accepte la
répétition et la simplicité, si présentes
dans cette activité, qu'elle ne la vit pas comme ennuyeuse
mais au contraire prête à nous enrichir dès qu'on
s'y laisse aller.
Mars
98 : Caroline est de nouveau dans des
plaintes somatiques, se sent extrêmement fatiguée, elle
arrive en retard.
C'est la période où elle a pris possession d'un
appartement seule, ce qui l'amène à traverser des
moments difficiles, liés à la solitude, à la
séparation de ses parents. Cela dure à peu près
jusqu'aux mois de mai-juin.
En juin 98, elle pointe qu'elle est toujours dans l'imitation,
qu'elle reproduit facilement mais qu'elle ne peut pas encore "faire
sortir d'elle".
Avant l'interruption de l'été, elle participe au jeu de
l'écho des
chefs où elle arrive à
s'affirmer dans des gestes guerriers, elle a senti qu'il se passait
quelque chose ; elle était arrivée à cette
séance plaintive mais a réussi à inverser son
humeur et être très présente.
Septembre 98 : Nouvelle reprise après la période
estivale.
Caroline apprécie beaucoup de reprendre la groupe, elle
précise que le temps de la séance lui permet de ne
penser à rien d'autre.
Arrivent 2 nouveaux participants, un homme et une jeune femme.
Caroline adopte aussitôt une attitude de retrait par rapport au
groupe, elle ne semble plus trouver sa place. Elle le remarque et, en
fin de séance, raconte que l'un de ses frères est
actuellement chez ses parents, qu'elle trouve qu'il a une place
privilégiée vis-à-vis de sa mère, ce
qu'elle ne vit pas très bien.
Caroline est donc à même d'entendre et de faire du lien
entre ses relations familiales et ce qui se passe au sein de
l'atelier, ce qui ne peut que lui permettre de cheminer et progresser
dans ses relations aux autres et dans cette quête de place
à trouver pour elle.
Elle a eu un jour cette très jolie phrase, c'était au
début de sa présence à l'atelier : "Je ne sais
pas au juste pourquoi mais ça a à voir avec nos
ancêtres !" Cette réflexion de sa part m'a permis alors
de lui en pointer toute la justesse, et me fait penser, après
coup, à cette phrase de Daniel SIBONY dans Le corps et sa danse :
... or aujourd'hui beaucoup cherchent
leurs racines, celle de leur mémoire introuvable [...] la
danse oriente cette quête de l'origine autant vers le
passé que vers l'avenir, avec dans l'entre-deux l'instant du
présent. Il y a autant de secret dans un geste retrouvé
que dans un geste inventé.
Caroline m'avait un jour confié que son père à
68 ans était toujours dans une recherche de ses propres
origines, écrivant encore à sa mère pour lui
dire combien il n'avait pas supporté d'être
abandonné à l'âge de 14 ans.
Octobre 98
: Caroline est bien mieux, le jeune homme a arrêté le
groupe, ce qui a dû être un soulagement pour elle. Elle
avait eu une relation "amoureuse" avec lui, quelques années
auparavant et cela semblait la mettre mal à l'aise en sa
présence.
On peut alors observer combien Caroline est différente dans sa
gestuelle, il y a de la vie dans ses mouvements... enfin, elle danse
!
Novembre 98 : Elle exprime qu'elle fait passer de la souffrance
à travers les gestes que je propose. À travers ses
gestes, en fait, puisqu'elle peut maintenant s'approprier le geste
que j'offre en étant moins dans l'imitation, et en faisant
passer les émotions qu'elle a besoin d'extérioriser,
signe d'une prise d'autonomie de sa part. Autonomie physique aussi
bien que psychique.
France SCHOTT-BILLMANN : ... dans
l'oubli de soi induit par la répétition
légèrement hypnotique, le mouvement une fois
maîtrisé, échappe au danseur pour vivre sa vie
propre [...] le participant se déprend de lui-même au
profit du geste qui code à son insu les pulsions qu'en
même temps il libère.
Nous sommes bien dans ce moment que décrit Jean-Pierre KLEIN
dans son article Le champ du symbolisme
comme terre d'asile, quand il
précise que
L'art-thérapie ne recherche pas
l'exacerbation de la souffrance... elle la rencontre forcément
mais c'est dans sa transformation à laquelle procède
l'œuvre que réside son action. Transformation non
recherchée activement... mais atteinte souvent à l'insu
de tous parce qu'on aura progressé dans une certaine
pénombre...
Toujours lors d'une séance du mois de novembre, Caroline nous
explique que la veille elle a beaucoup pensé, dans son lit,
qu'elle pense s'être détachée de sa mère ;
ce matin-là elle se sent mieux qu'avant et termine en disant
que c'était "la meilleure des meilleures séances".
Au niveau de l'animation, le contenu n'a pas été
très différent ce jour-là, mais Caroline
pointait bien là combien elle était en train de
"bouger", d'être réellement présente dans les
propositions.
La psychothérapie ne consiste pas
à donner des interprétations astucieuses... ce dont il
s'agit, c'est de donner à long terme en retour au patient ce
que lui-même apporte. Si le travail est correctement fait ...
le patient trouvera son propre soi, sera capable d'exister et de se
sentir réel. Se sentir réel, c'est plus qu'exister,
c'est trouver un moyen d'exister soi-même, pour se relier aux
objets en tant que soi-même et pour avoir un soi où se
réfugier afin de se détendre. (J.-P. KLEIN)
Janvier 99
: Caroline précise que dans le mouvement de l'infini
(appelé aussi derviche) elle peut mettre des intentions sur
ses gestes, ce qu'elle ne fait pas au quotidien dit-elle.
Ce mouvement de l'infini correspond à un moment de relaxation
dynamique, sur une musique à chaque fois différente
(percussions, musique yiddish, tzigane, ...) je propose un
déplacement selon une figure géométrique
dessinée au sol (cercles, croix, diagonales, ...) avec une
gestuelle simple, sans l'accompagnement de la voix. C'est un moment
assez long, répétitif, induisant une
légère transe.
Elle racontera qu'elle pense au regard réprobateur, même
"méchant" de son père lorsqu'elle osait danser
spontanément "Il m'a cassé".
Je pense que grâce au dispositif mis en place durant les
séances, il a pu y avoir réparation de ce que Caroline
sentait "cassé" en elle.
Février 99 : Comme je demande de temps en temps aux participantes
de proposer des gestes, soit réfléchis auparavant, soit
spontanés au cours d'un exercice sur le rythme, Caroline me
demande si j'interprète les mouvements improvisés
qu'elle peut faire.
Je lui réponds que non, bien entendu, qu'il n'y a pas
d'interprétation de notre part de leurs gestes, par contre je
peux y percevoir de l'affirmation, de la retenue... et c'est pourquoi
j'invite à chaque fois à aller plus loin dans le
mouvement, à bien le marquer, jusqu'au bout des bras, des
doigts...
Jean-Pierre KLEIN nous rappelle à ce propos dans l'article
déjà cité, que l'art-thérapie n'a pas à rechercher la
signification des productions [...] l'important n'est pas l'analyse
des symptômes de la personne ni de ses productions en
séances mais l'accompagnement de leur auteur dans une
métaphorisation de lui-même à travers des
supports qui marquent le champ du symbolisme [...]
Juin 99 :
Caroline parle du respect de l'autre qu'elle ressent durant les
séances, d'une sensation d'un groupe positif. Cette
activité lui semblant permettre de se rattacher aux autres.
"Ça n'existe nulle part ailleurs, je suis contente de l'avoir
fait, c'est une expérience unique".
Lors d'un bilan individuel elle pourra également exprimer
qu'elle trouve le groupe chaleureux et que c'est le seul endroit
où elle existe pour elle-même.
"C'est quelque chose en dehors de mes parents, je ne leur en parle
pas, c'est la première fois. Au début c'était
sans âme, mais je me suis étonnée moi-même
de ce que je pouvais faire".
Elle parle d'ouverture, de son appartement, de projets de travail
bien qu'elle se sente encore en difficulté dans ses relations
à l'extérieur.
Le groupe dura encore 4 mois (de septembre à décembre
99) durant lesquels il n'y eut pas grand changement dans le
fonctionnement de Caroline.
L'événement majeur a été l'annonce de
l'arrêt de l'atelier du fait de mon départ de
l'hôpital en janvier 2000.
Caroline a exprimé une vive tristesse et lors de la
dernière séance où le groupe confectionna un
collage collectif, elle a écrit ces quelques phrases qui m'ont
particulièrement touchée :
"Les relations humaines à travers
l'atelier rythme et voix."
"Le rythme et le coeur
la voix et la chaleur
c'était l'atelier des-fouleurs"
"On aurait pu passer à la télé."
"On est là où tu nous as emmenés."
Nous avons proposé à
Caroline d'intégrer le groupe de danse d'expression primitive
qui fonctionne en ville (cours tout public 1 fois par semaine). Elle
me semblait prête à rejoindre ce groupe, mais cela n'a
pas été possible pour elle, le "passage" n'a pas pu se
faire (pour l'instant).
Par contre, et c'est ce qui me paraît essentiel, Caroline vit
toujours dans son appartement, elle s'est inscrite dans une
association d'aide aux animaux ainsi que dans une chorale et elle a
entamé un suivi psychothérapeutique avec un
psychanalyste à l'extérieur à l'hôpital.
Elle envisage d'arrêter prochainement, complètement,
l'hôpital de jour.
Je pense que l'atelier "Rythme et voix", soutien s'intégrant
dans l'ensemble de la prise en charge de Caroline, a contribué
à sa prise d'autonomie et d'assurance.
Je souhaite sincèrement qu'elle puisse maintenant construire
des choses solides et aller toujours de l'avant.
En tout cas, sa présence dans le groupe m'a beaucoup
apporté et j'en prends pleinement conscience au moment
où j'écris un petit passage de son histoire, un moment
de mon histoire professionnelle.
Sylvie Geffard-Aymé
1999
La salutation
Nous la
commençons, parfois en cercle, parfois en miroir, en prenant
la pulsation au niveau des pieds.
Sur 4 temps, je propose une séquence gestuelle, par exemple
:
- frapper dans les mains 2 fois
- taper les deux mains sur les cuisses
- lever les bras au ciel
On y ajoute la voix : "é" "é" "ou" "ya".
Nous allons nous déplacer dans la salle en se saluant les uns
les autres, sur le "ya" on essaie de saluer tout le monde.
Le rythme des percussions va être de plus en plus rapide, ce
qui crée un enthousiasme croissant.
À partir de là, des échanges de regards, de
sourires, apparaissent avec un plaisir partagé souvent
marqué.
L'arrêt va être marqué par un "stop" que je crie,
chacun devant à ce moment précis s'immobiliser dans sa
position.
Ensuite on relâche.
La présentation rythmée
On est assis en cercle. Je propose un rythme sur 4 temps :
- 2 frappés dans les mains
- Main Droite tape Genou Droit
- Main Gauche tape Genou Gauche
Puis on rajoute la voix :
- 2 frappés
- MD / GD + " é "
- MG / GG + " é "
Puis avec les prénoms :
- 2 frappés
- MD / GD + son prénom
- MG / GG + son prénom
(tous en même temps)
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- 2 frappés
- MD / GD + je donne mon prénom
- MG / GG + le groupe répète mon prénom
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- 2 frappés
- MD / GD + je donne mon prénom
- MG / GG + j'appelle quelqu'un, qui à son tour
appellera...
On se salue ainsi les uns les autres.
L'écho des chefs
2 groupes se font face,
le "chef" se place à la tête de chacun d'eux.
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